LE RIDEAU DES SENS

Les retraites spontanées font partie de mon carnet de voyage 2024, au Sénégal. Dans ma démarche générale j’explore les seuils, les cadres, les interstices, tout ce qui filtre le monde à travers de simples gestes ou objets du quotidien. Cette œuvre est la première d’une série réalisée au Sénégal en 2024, où le tissu devient un langage.
Omniprésent dans le quotidien africain, rideaux, vêtements, voiles de prière, pagnes ou tissus suspendus — il incarne à la fois l’intime et le collectif, le visible et l’invisible.

Dans cette exploration culturelle, qui est d’abord et avant tout un voyage sonore, le tissu représente le filtre entre notre regard conditionné et la réalité. Omniprésent dans la vie quotidienne africaine, il devient un médium conceptuel privilégié. Tissu léger suspendu, improvisé ou filtre léger posé sur une fenêtre, il m’accompagne comme un outil de regard dans le voyage et la découverte du nouveau. Il évoque nos filtres intérieurs, nos conditionnements culturels, qui façonnent la manière dont nous percevons l’autre. Il trace une frontière mouvante entre intérieur et extérieur, visible et invisible, et m’invite à penser l’interculturalité non comme une découverte instantanée, mais comme une traversée longue patiente, un apprentissage plein de résilience.

Même si l’image est là, elle reste souvent fragmentaire, voilée, entrevue à travers ces tissus flottants. C’est dans ces bribes, ce qui s’entend sans se voir, ce qui se devine sans se nommer, que se révèle, tout en douceur, une part intime de la culture de l’autre. On apprend l’importance de découvrir, par l’écoute, ce que les yeux ne révèlent pas. Une voix, des oiseaux, des tâches quotidiennes, des bruit, ne se découvrent que par le son.

Fragments de vérité, jamais figés, toujours en mouvement. Une culture ne se cerne pas d’un seul regard ou d’une seule écoute. Elle se devine, peu à peu.

La Somone

Dakar

Niakh-Nakhal

La Somone

Thiès

LE CARNET DE VOYAGE

LA SOMONE

La Somone, la Petite Côte, Sénégal. Après un petit déjeuner à la sénégalaise, café instantané, beignets, pain baguette et omelettes, je profite d’un moment de calme chez l’oncle de ma fille, à la Somone. Le ventilateur est en panne, la chaleur s’installe, dense et enveloppante. Alors je ralentis. J’en fais une retraite d’un jour, silencieuse, sensorielle.

Autour de moi, le troupeaux de zébus défile lentement, silhouettes tranquilles sur le sable encore frais. Le vent, discret mais salutaire, s’infiltre par les fenêtres. Il anime les voiles qui servent de rideaux, les fait danser doucement. À chaque souffle, une nouvelle scène se révèle : des fragments de paysage vus d’en haut, les toits éclatés de lumière, les arbres clairsemés, le sable, le soleil et les bâtisses dessinent ensemble des formes roses. Plus tard, un théâtre de textures et de lumières se déploie sous mes yeux, au coucher du soleil. Le vent devient chorégraphe accompagnant les sons du soir, de la vie, de la journée qui s’éteint. Je m’abandonne à cette lente révélation. J’apprend le rythme africain, plus lent, plus ancré dans les cycles de la terre.

NIAKH-NAKHAL

Somone, la Petite Côte, Sénégal. Après un petit déjeuner à la sénégalaise, café instantané, beignets, pain baguette et omelettes, je profite d’un moment de calme chez l’oncle de ma fille, à la Somone. Le ventilateur est en panne, la chaleur s’installe, dense et enveloppante. Alors je ralentis. J’en fais une retraite d’un jour, silencieuse, sensorielle.

Autour de moi, le troupeaux de zébus défile lentement, silhouettes tranquilles sur le sable encore frais. Le vent, discret mais salutaire, s’infiltre par les fenêtres. Il anime les voiles qui servent de rideaux, les fait danser doucement. À chaque souffle, une nouvelle scène se révèle : des fragments de paysage vus d’en haut, les toits éclatés de lumière, les arbres clairsemés, le sable, le soleil et les bâtisses dessinent ensemble des formes roses. Plus tard, un théâtre de textures et de lumières se déploie sous mes yeux, au coucher du soleil. Le vent devient chorégraphe accompagnant les sons du soir, de la vie, de la journée qui s’éteint. Je m’abandonne à cette lente révélation.

Bloc Vidéo
Double-cliquez ici pour ajouter une URL d'intégration ou du code. En savoir plus

DAKAR

Dakar, plateau près de la place de l’indépendance.

J’observe le tissu danser, suspendu à l’arrière de la cuisine, sur la corde à linge. Le vent y dessine des formes mouvantes, laisse filtrer des éclats de ville, fragments d’immeubles, de ciel et de béton. Ce voile, acheté dans une petite boutique de l’île de Gorée — lieu chargé de mémoire et marqué par l’histoire de la traite négrière en Afrique, m’accompagne dans mes sorties. Je le drape sur mes épaules et me laisse guider, comme si sa légèreté portait aussi le poids de ce passé, m’invitant à marcher avec attention, entre présence et mémoire.

Dakar Plateau près de la place de l’indépendance, m’engloutit aussitôt. Elle pulse de toute part : klaxons, foules, chaleur, poussière. La circulation est dense, imprévisible il faut marcher avec l’intuition, placer ses pas avec attention. Mais au milieu du tumulte, la couleur surgit, la vie se déploie, vibrante.

À Dakar, la résilience s’apprend dans la rue, au rythme des voix qui t’interpellent. Chaque interaction pour le voyageur peut être une épreuve et un sourire, une négociation et un lien. On y découvre que la résilience n’est pas seulement endurance, mais une manière d’entrer dans la danse des échanges, sans se perdre, sans se fermer.

Au retour je m’assois sur la terrasse, à l’avant, Dakar me revient par le son, comme si l’image, trop vive, avait glissé, c’est à travers ces fragments sonores que j’entend à nouveau, paisiblement, que j’apprivoise la ville qui se redessine en moi, doucement.

THIÈS

Thiès, nœud ferroviaire ancien et cœur industriel, repose à égale distance de Dakar, Mbour, et sur la route vers Touba, ville sainte. Loin du souffle de la mer, la chaleur y est sèche. À l’arrivée, je marche, ralentie, jusqu’au premier restaurant visible, et c’est là que je goûte, à ma surprise, non pas un thiebou dieunne, mais l’une des meilleures pizzas de ma vie.

J’essaie de m’imprégner des marchés et des visages, mais le soleil me repousse vers la chambre, vers l’écoute, il fait vraiment trop chaud. J’accepte mes limites. Voyager, ce n’est pas seulement le plaisir de la découverte. C’est aussi un bouleversement physique : le corps doit sans cesse s’adapter aux changements de climat, de nourriture, de rythme, et cette instabilité peut être épuisante.

Derrière le rideau léger, le vent est rare, le voile frissonne à peine. J’entends la rumeur de la cour : les femmes au pilon, les oiseaux, les chants religieux. La vie palpite autour de moi. J’aime cette façon qu’a le Sénégal de vous accueillir : la Teranga, douce et vibrante. Mes hôtes me préparent des beignets, fatayas ou akara, pour le simple plaisir de faire plaisir.

Je n’ai vu de Thiès qu’un éclat. Mais c’est sur la route que je m’intègre. La N2, longue et paisible, devient un lieu d’ancrage. C’est là, dans les silences entre deux villes, dans cette manière de se laisser traverser, que l’interculturalité prend forme. La route n’est pas un entre-deux, elle transforme. Elle m’enseigne que l’on habite aussi les passages.