EAU

Ce projet s’inscrit dans ma démarche biophilique, qui explore notre lien intime avec le vivant et la manière dont il façonne nos émotions, nos choix et notre imaginaire. Après un voyage au Mexique, j’ai été marquée par la vision de plages recouvertes de déchets — une image persistante qui questionne notre rapport à la nature et notre responsabilité collective.

J’ai choisi de traduire cette expérience sans jugement direct, mais en ouvrant un espace de réflexion. L’œuvre combine des captations vidéo de cours d’eau et des objets prélevés dans mon propre bac de recyclage, rappelant que je participe moi aussi, inévitablement, à cette pollution.

L’INSTALLATION

Elle se compose d’une projection vidéo sur un mur, montrant le mouvement de l’eau. Devant l’image, des objets recyclés sont suspendus à des fils. La lumière les traverse, créant sur le mur des effets de réfraction presque esthétiques, comme une symbiose, qui fait oublier — l’espace d’un instant — l’urgence de la situation.

En laissant le beau et l’alerte se côtoyer, Projet Eau invite à interroger la manière dont nous percevons et aimons le monde vivant. Car aimer la vie, c’est aussi accepter de se questionner, et chercher ensemble des réponses pour préserver ce qui nous relie au vivant.

EAU / WATER

Je suis claire et sans défauts

je suis cette mère ces eaux

 

La vie en moi se propage

et crée des mondes sans barrage

en équilibre j’existe assouvie

depuis des millions de vies

je coule dans vos veines, j’y suis

 

Et pourtant....

 

Mes pays sous-marins enchanteurs

ou résident mes mondes de profondeurs

peuplés d’âmes qui déploient leurs ailes

à travers les coraux et paysages surréels

 

Ces mondes qui m’habitaient en paix

tremblent maintenant sans préavis

ils sont en instance de survie

envahis, trahis

 

Un intrus incongru se faufile

il s’accumule s’empile

mur montagne continent

comme un monstre impertinent

 

Ces particules éternelles

en flotaison industrielles

se meuvent doucement

vers notre enterrement

 

Mais avant....

Ces grands vaisseaux à voiles

sur fond d’étoiles

foulaient mes eaux et dans les arrêts

partageait des secrets

insondables mais parfaits

ils n’existent plus ni ma beauté, disparue

cette poésie ininterrompue

 

Ils feraient sûrement naufrage

sur ce continent de plastique perdu

PETE, PEHD, PVC, PEBD,

polypropylène, polystyrène

que deviennent nos contes de fées

où sont allées nos sirènes

Celles qui chantaient sans gêne

 

Ce soleil qui se couchait dans mon eau

pure et saline

se reflète maintenant

sur un contenant d’aspirine

ou pire encore de pâte à dent

pendant 250 ans

 

Mais rien n’est perdu

mon corps même s’il crie fort

existe encore il n’est pas mort

des milliards de gestes évités

des inventions sont nées

des milliards de gestes transformés

et mon espace redevient sacré

Ces poèmes, écrits en français, ma langue maternelle, ont été traduits en anglais du mieux possible. La traduction peut comporter quelques imperfections.

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