EAU
Ce projet s’inscrit dans ma démarche biophilique, qui interroge notre lien intime avec le vivant et la manière dont il influence nos émotions, nos choix et notre imaginaire. Au fil de mes voyages en bord de mer, j’ai été profondément marquée par la vision de plages recouvertes de déchets — une image tenace qui questionne notre rapport à la nature et notre responsabilité collective.
L’approche biophilique ne se limite pas à observer : elle nous engage à réfléchir à une évolution positive. Elle nous rappelle que nous ne sommes pas en marge de ce qui advient, mais pleinement intégrés à un tout dont nous portons, ensemble, la responsabilité.
J’ai choisi de traduire cette expérience sans jugement direct, mais en ouvrant un espace de réflexion. L’œuvre associe des captations vidéo de cours d’eau à des objets prélevés dans mon propre bac de recyclage, rappelant que je participe moi aussi, inévitablement, à cette pollution. Pendant quelques semaines, j’ai recueilli les contenants de plastique translucides, en observant mes gestes quotidiens et les contradictions qu’ils révélaient.
EAU, installation, Danielle Lamontagne, 2018
L’INSTALLATION
Elle se compose d’une projection vidéo sur un mur, montrant le mouvement de l’eau. Devant l’image, des objets recyclés sont suspendus à des fils. La lumière les traverse, créant sur le mur des effets de réfraction presque esthétiques, comme une symbiose, qui fait oublier — l’espace d’un instant — l’urgence de la situation.
En laissant le beau et l’alerte se côtoyer, Projet Eau invite à interroger la manière dont nous percevons et aimons le monde vivant. Car aimer la vie, c’est aussi accepter de se questionner, et chercher ensemble des réponses pour préserver ce qui nous relie au vivant.
EAU / WATER
Je suis claire et sans défauts
je suis cette mère ces eaux
La vie en moi se propage
et crée des mondes sans barrage
en équilibre j’existe assouvie
depuis des millions de vies
je coule dans vos veines, j’y suis
Et pourtant....
Mes pays sous-marins enchanteurs
ou résident mes mondes de profondeurs
peuplés d’âmes qui déploient leurs ailes
à travers les coraux et paysages surréels
Ces mondes qui m’habitaient en paix
tremblent maintenant sans préavis
ils sont en instance de survie
envahis, trahis
Un intrus incongru se faufile
il s’accumule s’empile
mur montagne continent
comme un monstre impertinent
Ces particules éternelles
en flotaison industrielles
se meuvent doucement
vers notre enterrement
Mais avant....
Ces grands vaisseaux à voiles
sur fond d’étoiles
foulaient mes eaux et dans les arrêts
partageait des secrets
insondables mais parfaits
ils n’existent plus ni ma beauté, disparue
cette poésie ininterrompue
Ils feraient sûrement naufrage
sur ce continent de plastique perdu
PETE, PEHD, PVC, PEBD,
polypropylène, polystyrène
que deviennent nos contes de fées
où sont allées nos sirènes
Celles qui chantaient sans gêne
Ce soleil qui se couchait dans mon eau
pure et saline
se reflète maintenant
sur un contenant d’aspirine
ou pire encore de pâte à dent
pendant 250 ans
Mais rien n’est perdu
mon corps même s’il crie fort
existe encore il n’est pas mort
des milliards de gestes évités
des inventions sont nées
des milliards de gestes transformés
et mon espace redevient sacré
Ces poèmes, écrits en français, ma langue maternelle, ont été traduits en anglais du mieux possible. La traduction peut comporter quelques imperfections.